Le private equity face à la Covid-19

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Vision de marché

Le private equity face à la Covid-19

  • 16 Février 2021

  • Private Equity

  • Buyout, Expansion

Temps de lecture : 8 minutes

    Les bouleversements occasionnés par la pandémie ont créé un contexte difficile pour les transactions et levées de fonds du secteur du capital-investissement, mais en dépit d’un marché volatile, les sociétés de gestion se sont adaptées et s’efforcent toujours de réaliser leurs opérations.

    En 2020, les confinements liés à la Covid-19 ont créé toute une série de défis sans précédent pour le secteur du capital-investissement, tant en termes de transactions que de levées de fonds. 
    Selon le cabinet de conseil Bain & Co, sur le premier semestre 2020, le nombre de transactions dans les régions Amériques et EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) a respectivement chuté de 36 % et 34 % par rapport à la même période de 2019 . Au niveau des cessions, l’activité a également été mitigée, les vendeurs du capital-investissement préférant conserver leurs actifs jusqu’au redressement des marchés. Selon la GP Trends Survey 2020, réalisée par la banque d’investissement Investec auprès de 400 professionnels mondiaux du private equity, 83 % des sondés déclarent ne pas envisager de cession de portefeuille sur les 12 prochains mois .
    Dans le même temps, l’activité de levées de fonds a été confrontée à des obstacles similaires. Selon Preqin, spécialiste des données financières, seuls 225 fonds de capital-investissement et de capital-risque ont clôturé sur le premier semestre de l’année, parvenant à lever 116 milliards de dollars, soit un recul de 47 % et 23 % respectivement par rapport à l’exercice précédent . Nombre de gestionnaires ont, dans la mesure du possible, décidé de reporter leurs levées de fonds, et les investisseurs ont bien souvent privilégié l’évaluation de la santé financière des fonds de leurs portefeuilles plutôt que de s’engager, sur le long terme, dans de nouveaux fonds. 

     

    Quand le private equity s’adapte face à la Covid-19 

    Toutefois, malgré les turbulences engendrées par le coronavirus, le secteur du private equity est parvenu à s’adapter et à poursuivre ses transactions et levées de capitaux. 
    « De début mars à fin avril, l’ensemble du marché a cessé d’investir, mais depuis, le secteur s’est adapté au travail à distance et l’activité est revenue à la normale. Cette nouvelle organisation est devenue une évidence », déclare Olivier Personnaz, Responsable d’Ardian Buyout UK.
    François Jerphagnon, Responsable d’Ardian Expansion, souligne que son équipe a réalisé trois nouveaux investissements cette année (Swissbit, Finaxy et Syclef) et assuré la cession de la participation dans Gantner Technologies. Ardian Expansion a également clôturé son cinquième fonds, Ardian Expansion V, en levant 2 milliards d’euros, soit un doublement de la taille du fonds par rapport à la génération précédente (2016). 
    Mais comment les sociétés d’investissement ont-elles su donner confiance dans des actifs alors que le niveau actuel de transactions et les prévisions de bénéfices sont si volatiles ? Quelles mesures les vendeurs ont-ils dû prendre pour inciter les sociétés en portefeuille à être cédées ? Et comment les sociétés de gestion sont-elles parvenues à convaincre les investisseurs à s’engager sur le long terme dans de nouveaux fonds malgré un contexte aussi tourmenté ? 

     

    Degré de préparation et de réflexion 

    Selon Olivier Personnaz, la pandémie a réaffirmé l’importance de fondamentaux solides en termes d’investissement.  
    « Nous nous sommes concentrés sur nos secteurs-clés (soins de santé, produits alimentaires, services et technologies) et nous sommes tenus au principe d’identifier les bonnes entreprises à accompagner sur la voie de la croissance », affirme M. Personnaz. « Nous n’avons pas vu la nécessité de changer radicalement notre approche d’investissement dans le sens où investir dans des sociétés à forte croissance, dont les dirigeants sont impliqués, permet de traverser les cycles ».  
       
    Néanmoins, pendant toute la pandémie, il a été extrêmement difficile d’attribuer des valorisations standards aux sociétés. Pour surmonter les bouleversements occasionnés, Olivier Personnaz affirme qu’Ardian a regroupé les transactions en trois catégories afin d’en évaluer « l’investissabilité » durant la période difficile de Covid-19. 
    Ardian a procédé à des sélections en fonction de la performance des entreprises lors des premiers confinements, lors de la reprise des économies, et selon les perspectives de bénéfices sur le long terme en cas de nouveaux confinements. Dans l’ensemble, cela a permis de répartir les entreprises entre celles qui ont été en difficulté pendant le premier confinement, celles qui ont survécu malgré les obstacles rencontrés, et celles qui s’en sont bien sorties et qui jouissent d’une bonne visibilité sur leurs futurs bénéfices. 
    Chaque opportunité a été prise en compte au regard de ses atouts individuels ; naturellement, même les sociétés les plus solides ont été touchées, d’une manière ou d’une autre, par la pandémie, mais Ardian s’est intéressé aux deux dernières catégories car ces situations offrent une vision plus claire des risques de baisse, affirme Olivier Personnaz. Cela a permis aux gestionnaires d’élaborer une proposition d’investissement, même si les bénéfices actuels sont fluctuants.  
    Les professionnels qui sont parvenus à trier les transactions en se basant sur des critères clairs ont bénéficié d’un avantage à l’heure de les exécuter, lorsque les actifs sont revenus sur les marchés. En 2020, les sociétés d’investissement ayant investi du temps et des ressources dans le sourcing, les échanges avec les équipes dirigeantes, la création de relations ont vu leurs efforts récompensés. 
    « Généralement, nos équipes passent au moins deux ans à connaître les entreprises et leurs dirigeants avant de réaliser toute transaction ; ainsi, même si le contexte est très incertain, nous avons une excellente connaissance de l’entreprise et de sa direction. Cela nous a permis de faire preuve de réactivité pour les entreprises que nous connaissons et apprécions », déclare M. Jerphagnon. 

    Si vous achetez un actif, la direction doit avoir l’assurance que vous saurez fournir des résultats et que vous accompagnerez la croissance en investissant.

    Olivier Personnaz, Responsable d’Ardian Buyout UK

    Garantir la valeur lors des cessions  

    Concernant les cessions, les principes fondamentaux ont également été mis en avant. Le contexte ne se prête pas aux grands processus de cession hyper agressifs, dans lesquels autant d’acquéreurs que possible se pressent pur répondre à des offres tronquées. 
    Des processus de cession méthodiques et une sélection réfléchie de l’univers d’acquéreurs sont devenus plus essentiels que jamais, et les vendeurs ont dû accepter que les acquéreurs aient parfois besoin de plus de temps pour se décider au vu des circonstances actuelles. Les vendeurs ayant structuré avec soin les cessions d’entreprises, sélectionné comme il se doit les prétendants et joué franc jeu avec les acquéreurs potentiels ont récolté les fruits de leurs initiatives. 
    La cession, par Ardian Expansion, de Gantner Technologies à l’acquéreur professionnel Salto Systems illustre bien ces principes. Gantner est spécialiste des systèmes d'accès, de billetterie et de facturation auprès des clubs de fitness, spas, musées et autres sites publics. 
    Bien que les confinements se soient traduits par une « année compliquée » pour la société, François Jerphagnon affirme que la cession à Salto a été conclue car Ardian était parvenu à présenter la rentabilité propre de l’entreprise à un univers composé uniquement d’acquéreurs professionnels. 
    Selon M. Jerphagnon, « lorsque vous traversez une récession, vous devez démontrer que l’association de votre entreprise avec une autre activité en une seule et même entité générera de meilleurs bénéfices. Ce principe était au cœur même de la cession de Gantner. Nous avons uniquement ouvert le processus aux acquéreurs professionnels pour lesquels Gantner était une priorité. »  
    Qu’il s’agisse d’acquisition ou de cession, l’importance de la confiance dans le comportement, les méthodes et la capacité de réalisation de la contrepartie a été un facteur de décision primordial lorsque les investisseurs ont vendu ou acquis des actifs. 
    « Si vous achetez un actif, la direction doit avoir l’assurance que vous saurez fournir des résultats et vous accompagnerez la croissance en investissant. Les investisseurs qui tentent, de manière opportuniste, de tirer parti des circonstances actuelles pour acquérir à bas prix des actifs dans le cadre d’offres sous-estimées n’iront pas très loin » soutient Olivier Personnaz. « De même, si vous mettez une entreprise sur le marché, les acquéreurs doivent être assurés que vous ne recourez pas à d’obscures manœuvres pour attirer des offres. L’histoire retiendra le comportement des entreprises pendant cette période ». 

    Les bonnes relations entretenues avec les investisseurs actuels et le temps passé à en identifier de nouveaux intéressés par le produit ont fait toute la différence à l’heure où les investisseurs étaient plus réticents aux risques.

    Francois Jerphagnon, Responsable d’Ardian Expansion

    Ce qu’attendent les investisseurs  

    La confiance dans les sociétés de gestion est toute aussi importante pour les levées de fonds.  François Jerphagnon a personnellement observé cette réalité lors des campagnes de lancement d’Ardian Expansion V, début 2020. Ardian Expansion V a levé 2 milliards d’euros en six mois, malgré la première phase de confinements dans le monde. Cette levée de fonds sur six mois cache, cependant, des mois de travail à séduire les investisseurs et comprendre leurs attentes.   
    « Les investisseurs existants représentaient 50 % du fonds, et 35 % étaient de nouveaux investisseurs pour Ardian. Nous avons assisté à des affectations de capitaux de près de 5 % des équipes dirigeantes des sociétés en portefeuille d’Ardian Expansion. Cela témoigne de la confiance qui règne dans notre plateforme, » affirme M. Jerphagnon. 
    Avant même le lancement d’Ardian Expansion V, Ardian avait déjà une vision claire des capitaux disponibles des investisseurs pour 2020 et avait compris comment intégrer ces affectations à sa plateforme. La société a ainsi pu proactivement nouer des relations avec les investisseurs intéressés en amont par son offre. 
    « Les bonnes relations entretenues avec les investisseurs actuels et le temps passé à en identifier de nouveaux intéressés par le produit ont fait toute la différence à l’heure où les investisseurs étaient plus réticents aux risques, » dit M. Jerphagnon. « Les investisseurs voulaient la garantie que nous pouvions poursuivre le déploiement de capitaux sur tout le cycle, et voir comment nous avions développé la performance et pouvions la reproduire à l’avenir sur l’ensemble du cycle. » 
    Pour l’ensemble des bouleversements et évolutions subis par les marchés financiers en 2020, suivre une stratégie de long terme et apprécier la valeur des relations ont été des principes plus déterminants et efficaces que jamais.