La ville moderne – le fruit de l’intelligence et d’investissements judicieux

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Vision de marché

La ville moderne – le fruit de l’intelligence et d’investissements judicieux

  • 15 Mai 2020

  • Real Assets

  • Infrastructure

Temps de lecture : 7 minutes

    Votre ville est-elle smart ? Même dans des conditions idéales, la vie urbaine peut se révéler difficile. Si la métropole où vous résidez ne fonctionne pas intelligemment, ses citoyens auront tôt fait de tirer une croix dessus. Ils chercheront même peut-être un terrain plus vert où planter leurs graines. Les villes recensent plus de la moitié de la population mondiale. Selon les prédictions, elles hébergeront 2,5 milliards d’habitants supplémentaires d’ici 2050. Deux-tiers des Hommes seront alors des citadins. Nos villes devront donc être plus intelligentes pour s’adapter à cette croissance fulgurante sans perdre le compte, au sens propre et figuré.

    Les villes réellement smart devront résoudre les problématiques liées à la nature des relations et des interactions entre les protagonistes privés et les autorités publiques. Il est important d’effectuer des évaluations constantes pour rester au fait de ce qui fonctionne ou non. Mais les questions centrales sont les suivantes : qui collecte les données ? Qui en est le propriétaire ? Et avec qui sont-elles partagées ?

    Pauline Thomson, Senior Investment Manager at Ardian

    La solution « données »

    Les villes doivent répondre à des problématiques environnementales et à des besoins en infrastructure croissants. Elles se retrouvent confrontées à de plus en plus de résidents désirant une qualité de vie meilleure, mais à des prix raisonnables. Les technologies de pointe peuvent les aider à faire face à ces nouveaux défis et tout cela commence par les données. De par leur complexité et leur portée, les villes en génèrent un nombre incalculable de téraoctets.  Que doivent donc chercher les investisseurs dans cet océan d’informations ?
    La civic analytics, littéralement l’analyse civique, est une discipline moderne assez récente, qui est née au croisement de plusieurs innovations technologiques : l’Internet des objets (IdO), l’informatique en nuage et des capteurs modernes qui transmettent des informations en temps réel. Ces derniers permettent d’en savoir davantage sur une multitude de sujets, comme les niveaux de pollution, la circulation et la consommation d’eau ou d’énergie.
    Toutes ces données éclairent les administrations municipales sur les solutions à apporter. Elles se trouvent ainsi dans de meilleures dispositions pour gérer des situations mouvantes, allouer les ressources avec discernement et planifier leur avenir.  À l’heure actuelle, l’accès à l’information en temps réel donne aux particuliers et aux entreprises les moyens de prendre des décisions plus pertinentes et d’être plus actifs lors du façonnage de leur ville et de sa performance globale. Ainsi, certaines applications mobiles vont en ce sens. C’est le cas notamment de Citymapper, qui permet aux citadins de maximiser l’usage des données pour faciliter leurs déplacements quotidiens. Lorsque le métro n’est pas disponible, elle leur permet de sauter sur un scooter électrique.
    L’étude Smart City, menée en 2018 par McKinsey, a démontré que si les applications existantes étaient utilisées à leur plein potentiel, les indicateurs de qualité de vie augmenteraient de 10 à 30 %.
    Cependant, une ville ne devient pas intelligente en un claquement de doigt. Theo Blackwell, qui fut nommé premier Chief Digital Officer londonien de l’histoire en 2017, déclare : « Une ville intelligente, c’est d’abord des procédures. Elles reposent en somme sur notre maîtrise des données digitales au sein d’un écosystème technologique et tendent vers des objectifs civiques. Ce n’est pas comme une certification que l’on obtient ; l’intelligence se cultive. »
    Pauline Thomson, Senior investment manager au sein d’Ardian Infrastructure à Paris, acquiesce. « Les villes réellement smart devront résoudre les problématiques liées à la nature des relations et des interactions entre les protagonistes privés et les autorités publiques. Il est important d’effectuer des évaluations constantes pour rester au fait de ce qui fonctionne ou non. Mais les questions centrales sont les suivantes : qui collecte les données ? Qui en est le propriétaire ? Et avec qui sont-elles partagées ? Il faut offrir aux communes les moyens de récolter les bonnes informations grâce à des outils appropriés. Elles pourront ainsi gérer avec davantage d’efficacité les différentes interactions entre les acteurs privés et les citoyens. Le fonctionnement des villes serait ainsi inclusif et respectueux de l’environnement. En matière de partage de données, il est important de maximiser les interactions sociales. Mais au-delà de tout cela, l’accent doit être mis sur l’urgence climatique, car les villes seront en première ligne dans la lutte contre le carbone. » La meilleure façon d’agir est d’allier investissements publics et privés.

    La voiture privée au garage 

    La gestion des voitures privées est une problématique centrale pour les villes souhaitant améliorer leur efficacité. Jonathan Hampson, qui était jusqu’à récemment le Directeur Général de la compagnie de covoiturage Zipcar au Royaume-Uni, déclare : « Il est de plus en plus évident que les citadins modernes délaisseront bientôt la voiture privée. Aujourd’hui, elle n’est plus synonyme de liberté. Elle nous restreint même dans notre vie quotidienne. En réalité, les véhicules autonomes, qui génèrent un véritable engouement et remplissent les colonnes des journaux, sont loin d’être la solution aux défis qui nous sont posés. À mon sens, il faudra miser sur le covoiturage électrique. S’agissant de la micro-mobilité comme transport de bout en bout,  ce marché fructifiera malgré les piles de vélos et de scooters abandonnés en Chine et aux États-Unis que nous voyons en photo. Le succès de ces entreprises dépend donc de leur capacité à travailler avec les autorités municipales. Elles ne pourront pas imposer leur technologie aux villes sans contrat collaboratif. » À juste titre, le souvenir de la frénésie des investisseurs pour le marché des scooters électriques en freinera plus d’un.
    Collaborer est primordial, comme le souligne également Mariano Majan, Directeur du pôle Croissance Europe chez Remix. Spécialisée dans la planification du transport urbain, l’entreprise a vu le jour à San Francisco il y a cinq ans. « Les villes traversent aujourd’hui un moment crucial. Les données qu’elles détiennent leur permettent de prendre de meilleures décisions pour leur avenir. Prenez l’exemple de Tampere en Finlande. La municipalité a réalisé qu’une nouvelle ligne de tramway liant le nord et le sud de la ville était nécessaire. Cela a été un gros défi pour tout le monde, mais elle a fait en sorte de démocratiser toute la procédure. L’équipe dirigeante est sortie de ses bureaux pour recueillir les impressions des habitants pendant huit mois. Les personnes qui sont aux commandes de ces villes smart, ont sans cesse besoin de communiquer pour obtenir le soutien de leurs citoyens. La transparence est essentielle. »
    Pour la plupart des villes, toute tentative d’évolution prend racine au cœur même des infrastructures existantes. Pourtant, les Géants du web de la Silicon Valley, débordants de confiance, ont eux-mêmes longtemps rêvé de créer leur propre cité de toute pièce, des fondations jusqu’aux câbles de fibre optique. Le 31 octobre 2019, la Waterfront Toronto, une agence du gouvernement canadien, a autorisé provisoirement Sidewalk, une filiale de Google, à continuer l’élaboration des plans de sa smart city de 1.3 milliards de dollars près du Lac Ontario.
    Une ville intelligente fonctionne grâce au nombre important de données transmises et analysées. Les habitants génèrent la majorité d’entre elles. Sans surprise, des inquiétudes ont été exprimées quant à de potentielles utilisations abusives qui pourraient menacer notre vie privée. Les autorités publiques doivent ainsi prendre cette crainte en compte afin d’assurer aux habitants un cadre de vie respectueux de leurs droits. Ce questionnement a émergé lors de la crise du coronavirus en Corée du Sud, où le gouvernement a fait usage des données mobiles des citoyens, même si cette méthode s’est révélée efficace pour cibler les personnes à isoler ou mesurer le respect des mesures de confinement.
    Les autorités sanitaires du pays sont même allées jusqu’à envoyer des messages SMS détaillés de différentes natures. Les habitants pouvaient alors recevoir un simple rappel de la nécessité de se laver les mains régulièrement, tout comme des informations spécifiques sur les personnes testées positives, notamment leur localisation. Le journal britannique The Guardian en a publié l’un d’entre eux : « Une femme d’une soixante d’années vient d’être testée positive. Cliquez sur le lien pour connaître ses derniers lieux de passage avant son hospitalisation. » Et effectivement, le lien redirigeait les lecteurs vers une liste d’endroits que la personne avait fréquentés avant d’être dépistée.
    Les opportunités d’investissement abondent, que ce soit les investissements par des sociétés de capital-risque ou par les grandes entreprises d'infrastructure matures. Si vous pensiez que la ville la plus proche était déjà bien animée, sachez que ce n’est qu’un début. Selon Merrill Lynch, une branche de la Bank of America, le déficit des infrastructures aux États-Unis atteindrait 3.8 billions de dollars d’ici 2040. Appliqué au monde, ce chiffre grimperait jusqu’à 18 billions de dollars. De manière croissante, le capital est aujourd’hui investi dans un domaine qui incombait traditionnellement aux contribuables.

    Mariano Majan, Head of Europe Growth chez Remix

    "Les transports ne sont pas un problème mais une opportunité". Les villes doivent faire un pas en avant et prendre de meilleures décisions pour le climat et pour les citoyens, afin de concevoir un avenir équitable, sûr, durable et accessible à tous.